Regards croisés d’ados
Résidence “In Situ” au collège Pierre Sémard, Bobigny, soutenue par le département de la Seine-Saint-Denis
Le regard que l’on porte sur nous-mêmes est-il le même que celui que les autres, adulte ou adolescent, homme ou femme, posent sur nous ?
C’est la question que j’ai cherché à creuser tout au long de cette année scolaire avec les élèves de quatrième B du collège Pierre Sémard de Bobigny, Estelle Marzac, leur professeur d’arts plastiques, et la complicité de la Médiathèque Elsa Triolet. Mon but ? Interroger chaque adolescent à travers quatre portraits de lui-même, quatre facettes offertes aux yeux de la société, et le sensibiliser à la dimension du regard reçu et porté pour lui ouvrir un nouvel espace d’expression personnelle.
Au début était l’adulte. Les yeux d’un adulte jamais croisé jusque là, ou, plus exactement, l’objectif d’une photographe. Un premier contact le jour de la rentrée qui me fait saisir un à un chaque adolescent devant le mur couleur moutarde de leur salle de cours. A peine quelques mots échangés. Leur visage brut, souvent retenu, parfois souriant de timidité, qu’ils m’abandonnent avec méfiance.
Ensuite était l’élève. L’élève qui se regarde comme dans un miroir avec, pour seule contrainte, le même mur couleur moutarde en toile de fond pour assurer une unité. L’élève qui apprend à se servir d’un appareil photo avec retardateur, posé en équilibre sur une marche face à lui, comme il lèverait un premier bout de voile sur ce qu’il est.
Enfin étaient les copains et les copines. Chacun et chacune a choisi un lieu, une attitude, une émotion, parfois un vêtement ou un accessoire, pour photographier son ami (au masculin et au féminin) tel qu’il le perçoit.
A chaque étape, son lot de difficultés. Paraître devant l’adulte en roulant des mécaniques, même pas peur, même pas complexé, le regard entortillé, plus ou moins assuré. Se montrer, pas toujours comme on est. Se montrer comme on a envie d’être, comme on aimerait être si les petits défauts de la vie et la crainte du jugement ne nous emmuraient pas. Se voir comme nos copains nous regardent. Se dévoiler devant un garçon. S’exposer aux yeux une fille. Un vertige et des discussions sans fin à chaque prise de vue.
Quelle est donc la différence entre l’identité affichée et l’identité cachée ? Comment gérer le besoin de paraître par rapport aux autres (parents, professeurs, copains) et la nécessité de s’affirmer soi-même ? Que faire de nos instincts humains de protection, de projection et de préjugés ? Comment pouvons-nous avoir d’autres visages selon la personne qui nous regarde, qui fait la photo ou qui nous décrit ? Comment tout cela peut-il nous aider à mieux nous connaître, nous définir les uns par rapport aux autres, nous donner confiance en nous en nous apportant une meilleure compréhension de ce que l’on est ?
C’est ce que Kelly, Lina, Romane, Lucile, Sabri, Brandon, Thanusan, Chelsy, Apaye, Mehdi, Omar, Sami, Thomas, Christophe, Westley, Merveille M. Merveille M.T., Yousra, Caroline, Kelvin et Muhammad ont expérimenté cette année et présenté dans le cadre d’une magnifique exposition de photos et de textes à la Médiathèque Elsa Triolet de Bobigny.
Croquée par le dessinateur de presse Adjim Danngar dans la cour (bruyante !) du collège Pierre Sémard de Bobigny, Sandrine Roudeix lit un passage de son premier roman aux élèves qui travaillent avec elle à sa prochaine exposition.
Revue de presse
L'exposition
Accrochage et Vernissage à la Médiathèque Elsa Triolet de Bobigny (06/06/2013).